dimanche 25 décembre 2011

Traditions et partages pour demain



Article tiré du site de la Fondation Denis Guichard 


Rencontre des Médecines à Dakar

10-12 DÉCEMBRE 2011
lundi 19 décembre 2011




Yvette Parès (1926-2009), chercheur et docteur en médecine, a été initiée, au Sénégal, par un grand maître peul à la médecine traditionnelle. Découvrant son immense richesse et considérant que toutes les médecines du monde possédaient, elles aussi, des trésors de savoirs, Yvette Parès pensait qu’un jour viendrait où une rencontre entre toutes les médecines serait non seulement souhaitable, mais nécessaire. Elle n’a pu malheureusement organiser cette rencontre de son vivant et voici que deux amies proches, Anne de Constantin et le Dr Béatrice Milbert, ont repris le flambeau et viennent d’organiser cette Rencontre à Dakar, une première ! Anne nous raconte.
« Depuis quelques mois, nous voulions organiser cette rencontre pour poursuivre l’œuvre d’Yvette Parès, fondatrice de l’Hôpital de médecine traditionnelle de Keur Massar, près de Dakar. Nous connaissions la grandeur de la médecine pratiquée à Keur Massar et savions qu’aujourd’hui cette rencontre était devenue possible, certains médecins et scientifiques étant à la recherche d’alternatives. Yvette Parès a été une pionnière, je dirais même un prophète, qui avait prédit toutes les difficultés actuelles de la médecine occidentale : médicaments chimiques peu compatibles avec un corps vivant et producteurs de pollution environnementale, augmentation en flèche des maladies dues à cette pollution.
Les chercheurs botanistes occidentaux parcourent le monde pour découvrir de nouvelles plantes, qu’ils classent, répertorient et dont ils extraient ensuite les principes actifs. Or, ces principes ne sont pas les seuls à être actifs, tous les composants de la plante le sont. Ainsi on néglige la totalité de la plante qui est un ensemble vivant et cohérent, on extrait une molécule et on fait fausse route. Des médecins et chercheurs comme le Pr Luc Montagnier sont à la recherche de nouvelles façons de soigner et de guérir des maladies de plus en plus envahissantes et, par exemple, résistantes aux antibiotiques. Le Pr Montagnier a bien voulu être filmé pour exprimer au public de la Rencontre de Dakar son sentiment que toutes les médecines du monde sont riches et importantes pour l’avenir et qu’elles ont des trésors à partager.

La journée de conférences du 10 décembre a été introduite par Diego Gradis, fondateur de Traditions pour demain et consultant auprès de l’UNESCO. Chaque intervenant a ensuite présenté ses travaux et recherches devant le public. Tous ont ainsi fait connaissance et pu apprécier ce que chacun avait à dire. C’était merveille d’entendre tant de savoir-faire et de diversité d’approches (voir le programme des conférences sur le site Rencontre des Médecines) ! La journée s’est conclue en rendant un hommage à Yvette Parès, en présence de tous ceux de l’Hôpital de Keur Masser. Nous avons passé le film de la remise du prix de la Fondation Denis Guichard à Yvette Parès, il y a dix ans exactement. Cette journée a été simple et enrichissante, une rencontre dans le respect mutuel et l’écoute de tous.
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De droite à gauche : Anne de Constantin, le Frère Elie de l’abbaye de Keur Moussa, Talap Sarr, botaniste, et Djibril Bâ de l’Hôpital de Keur Massar
Le lendemain, tous les intervenants venus de France se sont retrouvés à Keur Massar. Après avoir visité le jardin botanique et les différents lieux de traitement des plantes, ils ont échangé de façon plus précise : il était passionnant alors d’entendre des partages très riches et précis à propos de problèmes de santé entre spécialistes venus de médecines différentes.

Et ce fut une découverte pour certains que de se trouver devant un savoir aussi subtil que celui de la médecine traditionnelle sénégalaise : des mélanges de plantes complexes dans des proportions savantes qui soignent d’une façon globale ; des virus attaqués sous des aspects multiples et pas avec un seul principe actif. « Dans les thérapies traditionnelles, expliquait Yvette Parès, les agents pathogènes subissent l’attaque d’une armée redoutable, formée de la multitude des principes bénéfiques apportés par les médications complexes. » Les tradipraticiens continuent à faire des recherches en ce sens.

Ces journées m’ont permis de réaliser la richesse de la tradition, de son apprentissage pour qu’elle garde cette richesse, comme autrefois les artisans au Moyen Age ou certaines formes de compagnonnage aujourd’hui. L’apprentissage se fait tout au long des années. Chaque étape ajoute à la compréhension. La tradition est vivante et non figée dans le passé. Elle est prête à réagir devant les fléaux contemporains et à proposer les contrepoisons nécessaires.

Ces quelques jours ont ouvert une brèche dans le mur qui séparait nos savoirs de ceux des traditions : ceux venus de France ne connaissaient rien du savoir traditionnel mais, au-delà des savoirs de chacun, un vrai partage a pu se faire.

Ce partage s’est poursuivi au cours de la visite de l’abbaye de Keur Moussa, à une heure de route de Keur Massar, où vivent une trentaine de moines. Nous étions invités à déjeuner par Frère Elie qui cultive un jardin de plantes médicinales et reçoit des malades qu’il soigne avec ces plantes. Il connaissait Yvette Parès et échangeait souvent avec elle. Le Père Supérieur est venu à notre rencontre au milieu des pamplemoussiers : ce fut un moment d’exception dans la magnificence d’un jardin bien proche du paradis. »
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Djibril Bâ serre la main du Père Supérieur de l’abbaye de Keur Moussa



« Notre souhait le plus profond est que ce témoignage porté sur la médecine traditionnelle africaine suscite de nouvelles conceptions et réalisations pour la santé du monde en mobilisant les savoirs, les intelligences et les cœurs dans un vaste mouvement planétaire. Ne serait-ce pas la meilleure des mondialisations ? » Yvette Parès


Dans quelques mois, un livre et un DVD vous présenteront de façon plus détaillée cette Rencontre de Dakar.

Anne de Constantin pour la Fondation  Denis Guichard

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