vendredi 28 janvier 2011

Yvette PARES: la science, le multiculturalisme, l'humanité

Yvette PARES:
la science, le multiculturalisme, l'humanité.

Il y a des êtres qui nous apprennent à voir ce que la plupart ne savent pas voir, et dont l'histoire de vie, l’exemple de l'engagement, la cohérence des arguments nous donnent la force de briser les schémas obsolètes - ou auto-centrés et intéressés – qui nous empêchent de faire progresser le monde dans une direction meilleure.


Le Docteur Yvette Parès était un de ces êtres extraordinaires jusqu'au dernier moment de sa vie, dernier moment qui est survenu sur le 9 Juillet 2010 à l'âge de 86 ans. Sa tâche immense a été de retrouver et d'évaluer la médecine traditionnelle africaine avec ses travaux effectués dans l’Hôpital de Keur Massar, Sénégal, qu'elle a fondé en 1980 et qui est encore aujourd’hui en pleine activité.


Précieux héritage d'une femme de formation scientifique occidentale apte à comprendre ce que signifie connaître le véritable respect pour une autre culture, accepter ce que l'Occident peut faire, mais accepter aussi les leçons apprises, également dans le domaine de la médecine, d'autres êtres humains, d'autres cultures que, dans notre supériorité, nous avons généralement considérées comme ayant un minimum de ressources pour faire face à la vie.



Yvette Parès a commencé, il ya trente ans, cette lutte au Sénégal contre la marée ambiante, à se battre pour prouver que la médecine traditionnelle africaine pouvait non seulement être aussi ou autant valide que la médecine occidentale et que l’Occident ne pouvait pas se permettre une dépendance néocoloniale qui favoriserait le bénéfice de compagnies pharmaceutiques ou, au mieux, de satisfaire le sens arrogant de solidarité des riches.


Après une formation de microbiologiste dans son pays natal, la France, et après avoir travaillé comme chercheur au CNRS, Yvette Parès part au Sénégal en 1960, en tant que professeur à l'Université de Dakar, où elle obtient un doctorat en médecine en 1968. Elle concentre ses efforts sur l'étude du bacille de la lèpre et réussit dans son laboratoire au Centre de Recherches des avancées biologiques majeures dans la tentative de cultiver le micro-organisme. Le passage à la clinique et au traitement des malades de la lèpre a révélé d'importantes faiblesses des thérapies utilisées et, en particulier, les difficultés des médicaments disponibles pour obtenir un retour souhaitable à une certaine qualité de vie pour les patients.



Cependant, à cette époque et dans ce contexte, l'alternative est impensable: quelle meilleure solution aurait pu exister en Afrique qui ne se ramènerait pas à la médecine occidentale? Une seule personne pouvait témoigner de cette alternative : le docteur Yvette Parès.


Avec son ouverture d'esprit, elle était prête à s’informer, à se former, à accepter les pratiques thérapeutiques d'un maître de l'ethnie peul, Dadi Diallo. Elle n'hésite pas à prendre contact avec lui et à se rapprocher de lui avec une une humble sagesse bien loin du complexe de supériorité de l’Ouest.





Pour cette connaissance, Yvette Parès a commencé le processus d'immersion comme disciple de Dadi Diallo dans le traitement traditionnel de la lèpre dans les débuts et dans la progression de la maladie. La vérification de l'efficacité des traitements basés sur l'utilisation magistrale de plantes médicinales et une approche plus globale et humaine du patient ont conduit Yvette Parès à la fondation de l'Hôpital Traditionnel de Keur Massar, situé à une vingtaine kilomètres de Dakar.






L'engagement courageux pour les possibilités de traitement par la culture africaine comme une solution aux problèmes de santé en Afrique et en tant que moyen de parvenir à la souveraineté d'un peuple colonisé avait commencé. Les résultats et la réussite du pari sont des témoignages pour ceux qui ont cru à cette aventure, même s’ils ont dû surmonter toutes sortes de malentendus et de rejets. Plus de 280.000 personnes ont été traitées et ont pu retrouver leur bien-être.


À compter de la date de sa retraite en 2003, Madame Yvette Parès a continué d’aider à la gestion de l'hôpital, en donnant toujours la priorité à l'action humanitaire sur toute autre matière d'intérêt. Même une école attachée aux installations de l'hôpital a été créée pour mieux aider les enfants malades ou les enfants des patients.





Grâce à son livre « La médecine africaine, une efficacité étonnante » Yvette Parès nous a laissé l'histoire passionnante de sa vie et de ce projet qui a débuté à la fin du siècle dernier et qui est maintenant une réalité avec un avenir prometteur.


Cependant, la mentalité à la fois des colons blancs et des Africains colonisés est souvent encore empreinte de mépris et de reproches plutôt que de respect pour la connaissance de la médecine traditionnelle en Afrique. Habitués à ne donner que ce qui est passé au travers des filtres infaillibles dans notre culture, nous avons besoin d'essais cliniques, de tests de toxicité, de caractérisation chimique et de contrôles de qualité. Fondamentalement, nous demandons à avoir le contrôle de l'ingéniosité et la créativité d'autres cultures comme condition préalable à son acceptation.

Le Docteur Yvette Parès a compris que ce n'était pas le chemin et en a suivi un autre, plus difficile, mais intellectuellement plus honnête et plus humainement généreux. "Le vrai problème - a-t-elle récemment écrit - est que les Européens ne peuvent pas accepter l'idée d'une œuvre africaine qui peut fonctionner normalement sans la supervision d'un occidental ou d’un occidentalisé."

Sans doute, si nous voulons vraiment construire un monde fondé sur le respect entre les cultures et sur les personnes en quête de valeurs et de connaissances complémentaires, la pensée et le travail de Madame Parès, son enseignement africain, seront une référence incontournable.

Adrover Bartomeu, Pharmacien pour Apotecaris Solidaris


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